La nuit tombe sur le pont Alexandre III. Je marche d’un pas tranquille en direction de la fondation Pierre Bergé – Yves saint Laurent qui donne actuellement une exposition sur le costume populaire Russe. On quitte l’hiver pour le printemps et à 18h29, la nuit et le jour flirte sous le même toit. Il fait bleu et noir, mais les lumières de la ville scintillent déjà par reflets sur la Seine. 18h32. J’ai rendez-vous avec Mireille, la dernière chef couturière de feu Monsieur Yves Saint Laurent, qui travailla à ses côtés pendant plus de dix ans.

Ma visite commence dans les ateliers de restauration, au 2ème étage de la fondation, où se confectionnaient autrefois les prototypes en haute-couture (vêtements et accessoires) de la maison Yves Saint Laurent. Mireille me raconte son quotidien, alors qu’elle s’activait le jour – et la nuit – autour des collections de prêt-à-porter. Elle me montre les croquis originaux de modèles dessinés par Yves Saint Laurent et l’on constate déjà dans l’aisance du tracé, l’élégance et la culture inégalable du créateur intemporel qui se plaisait à dire lui-même que « la mode passe, le style reste. ». Nous passons à côté, dans les « chambres froides » ou plutôt les placards anti-poussières qui réunit plus de 5 000 vêtements de haute couture et 15 000 accessoires sur 40 ans de création maison. Mireille, mémoire vive de ce patrimoine culturelle et gardienne de l’identité de monsieur Yves Saint Laurent, me raconte avec passion et émotion l’histoire de certaines pièces : la mode sans mannequin ni podium, juste avec une œuvre d’art pendu sur un cintre me convient. Elle me donne ce recul, cette émotion, ce sentiment de traverser les époques à chaque nouveau pas.

Ici, une veste brodée inspirée d’un tableau de Van Gogh, qui compte plus de 700 heures de travail, bien sagement rangé dans un tiroir à température constante de 18°. Là, une robe Mondrian à la coupe nette et aux couleurs vives. Enfin, de magnifiques imprimées Matisse noir et bleu, aux épaules larges en cœur. Un Trésor de culture, éphémère pour mes yeux mais pas dans le souvenir que j’en garderai.

Difficile de voir du même œil, ensuite, l’exposition du costume populaire russe, au rez-de chaussée. Les deux modèles conçus par Yves Saint Laurent se remarquent d’emblée par la qualité de tissus nobles et de l’exagération possible des motifs que permet la création de mode. En collaboration avec le musée ethnographique de Russie, la fondation présente environ une cinquantaine de costumes populaires russes du XIXe et XXe siècle. Encore un voyage dans le temps. Portés à l’occasion de fêtes saisonnières ou de mariages, ces costumes russes représentent la tradition populaire, renforcée par des jeux subtils de superposition et de nuances de couleurs. Une série de photographies de la collection Shabelskaya (fin XIXe, début du XX siècle) est également exposée ; elles constituent un excellent témoignage de la richesse de ces costumes et de leur mise en scène.

Yves Saint Laurent, a qui le noir va si bien, est un homme qui aimait le voyage et la couleur, comme le bleu de Majorelle ou le rouge de Russie. 18h32, le temps c’est arrêté, ou bien c’est l’intemporalité de l’art qui a pris le dessus sur la nuit. Mais le voyage ne s’arrête pas là. La nuit de l’homme – qui est le nom du nouveau parfum de la maison Yves Saint Laurent – se prolonge sur Internet à travers un jeu de piste qui relie trois autres blogs confrères de « la ligue » masculine : à 20h05 au Grand Palais chez Ok Cowboy, 21h13 au Georges pour Black Tie et enfin, se terminera à 02h46 au Magnifique pour le Modalogue.

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